La mise en pratique du rétablissement

Naissance des Nomades Célestes

 

 

Les Nomades Célestes est une association née en 2006 à Marseille, de la volonté d’un groupe d’intervenants de rue de Médecins du Monde et d’ASUD (Nacer Tachougaft, ASUD, Hermann Händlhuber et Vincent Girard, MDM).

 

A l’origine les Nomades Célestes avait pour objectif de regrouper des personnes ayant un destin social et sanitaire commun afin d’aider ces personnes à s’aider entre elles.

 

En 2007 elle participe à l’ouverture du squat de la rue Curiol ou elle installe ses premiers locaux.

 

Cette association va être le creuset de la création de MARSS.

 

Elle devient un Groupe d’entraide mutuelle en 2008.

 

En 2009 elle accède à ses propres locaux et développe depuis, avec des moyens financiers modestes, des activités d’accueil et d’inclusion sociale.

 

Depuis 2012 le concept de rétablissement est devenu une ligne directrice de l’association.

 

En 2013 les Nomades Célestes organisent leur première manifestation publique pour défendre le droit d’une personne vivant avec une schizophrénie injustement hospitalisée sous contrainte.

 

Actuellement, se développe parallèlement une activité d’accompagnement à l’inclusion professionnelle.

 

 

Quelques dates clés du programme MARSS

 

 

2003 : Un étudiant en psychiatrie fait l’expérience d’1 an à New Haven comme « social worker » dans une équipe outreach and engagement à Yale University.

 

2004 : Rencontre entre cet étudiant et un vagabond international, dépressif, alcoolique et vivant à l’époque dans la rue à Marseille.

 

2005 : Travail de ces deux bénévoles dans une mission sans abri à Médecins du Monde et constitution progressive d’une mission autonome de santé mentale. Cette nouvelle mission va avoir pour objectif d’intégrer un premier travailleur pair (le vagabond international) et de cibler les personnes sans abri de longue durée avec des troubles psychiatriques.

 

Juin 2006 : Fondation de l’association « Les Nomades Célestes », groupe d’entraide de personnes de la rue qui ont connu la psychiatrie.

 

Début 2007 : Fondation de l’association « Le Marabout du 46 » et ouverture d’un squat thérapeutique dans le centre-ville de Marseille.

 

Fin 2007 : Création d’une équipe de type EMPP avec 5 salariés, partenariat et cofinancement entre Médecins du Monde et l’AP-HM.

 

2008 : Légalisation du squat par la Mairie (puis visite de la Ministre de la santé).

 

2009 : Accord d‘un financement d’environ 750 000 pour développer le programme MARSS (intervention ministérielle) et recrutement progressif d’une quinzaine de professionnels.

 

2010 : Le programme MARSS expérimente avec 5 personnes l’accès au logement direct depuis la rue (et remise du rapport Ministériel sur la santé de personne sans chez soi en France).

 

Début 2011 : Création d’un pôle recherche/évaluation au sein de l’équipe MARSS.

 

Fin 2011 : Début de l’expérimentation randomisée multi-site « Un chez soi d’abord » (Marseille, Toulouse et Lille puis Paris 1 an après).

 

2012 : Début d’un processus d’auto-évaluation du programme MARSS.

 

2013 : Début de la mise en place des groupes d’auto-support et début de l’expérimentation d’appartements de crise

 

2014 :  Début d’un programme d’inclusion professionnelle en milieu ordinaire au sein de MARSS (Working First)

 

2015 : Développement d’un programme de santé communautaire dans les quartiers Nord. Organisation de la folle histoire de fou et participation à la première « fada pride ».

 

 

 

La mise en pratique sur le terrain du rétablissement par MARSS

 

L'interpréatation que chaque équipe peu faire de ce que veut dire conrètement, sur le terrain,  avoir une approche orienté rétablissement peu varié grandement.

Nous souhaitons ici décrire concrètement ou nous en sommes dans nos pratiques afin de vérifer si nous ne sommes pas trop éloignés de nos valeurs.

 

Un fonctionnement communautaire

 

Les relations sont les plus horizontales possible entre les professionnels et avec les personnes qui viennent chercher des services et aides.

 

Les frontières entre professionnels et personnes « malades » doivent êtres les plus poreuses possibles.

 

Une majorité des professionnels sont recrutés parce qu’ils ont connu une expérience de « maladie mentale » et/ou d’addiction.

 

Des médiateurs ou travailleur pairs

 

Ce sont des personnes qui ont connu la psychiatrie, parfois aussi la rue, les addictions et la prison.

 

Elles sont inscrites dans un processus de rétablissement avancé.

 

Elles sont recrutées sur une double compétence, une expérience personnelle et des compétences professionnelles classiques.

 

Le plaidoyer

 

L’équipe défend les droits des personnes à être des citoyens comme les autres.

 

Ces droits sont défendus tant individuellement que collectivement. 

 

Au niveau individuel les professionnels partent du principe que les personnes ont parfois besoin dans leur parcours de rétablissement d’être soutenues par des défenseurs/porte parole.

 

Au niveau collectif MARSS participe à des manifestations qui ont pour objectif de renforcer un mouvement collectif des personnes concernées.

                                         

La reprise du pouvoir sur soi et le monde

 

L’équipe travaille sur les forces des personnes autant que sur les problèmes et fragilités et la résolution de ceux-ci.

 

L’accompagnement se fait sur le projet de la personne (et non pas du professionnel).

C’est elle qui décide des priorités, des stratégies, et elle peut changer d’avis sans que cela pose problème.

 

L’équipe accompagne les erreurs et n’essaye pas forcément de les éviter à tout pris.

 

Avoir de l’espoir

 

L’équipe essaye de porter un regard positif inconditionnel sur les actions et trajectoires des personnes.

 

Malgré les difficultés et les épreuves de la vie, et sans nier les souffrances, elle essaye de porter un message d’espoir aux personnes qu’elle rencontre.

 

Auto-support

 

Des groupes d’auto-support sur les ententes de voix, le bien-être et la crise, la paranoïa et les idées non partagées ont été mis en place.

 

Des entretiens individuels d’auto-support sont également proposés.

 

Lutter contre les hospitalisations sous contrainte

 

Une politique de lutte contre la contrainte en psychiatrie a été mise en place dans l’équipe.

 

Toutes les stratégies sont recherchées, au cas par cas, pour éviter que les personnes se retrouvent hospitalisées sous contrainte.

 

Des appartements de crise ont été mis à disposition des personnes.

 

Un accompagnement intensif est proposé en cas de crise pour toutes les personnes qui le demandent.

 

Le WRAP est une première façon d’anticiper la crise, de réfléchir et d'organiser la prise en charge dont la personne souhaite bénéficier quand elle n’est plus capable de faire ses propres choix.

 

Un protocole de directives anticipées est testé en ce moment de façon expérimentale (2015-2016).

 

 

L’équipe MARSS est constituée de personnes engagées dans un mouvement social qui a pour objectif de promouvoir la philosophie et les valeurs du rétablissement.

 

Elle est composée pour partie de citoyens engagés volontaires et pour partie de salariés de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille .

 

L'équipe MARSS participe à plusieurs collectifs citoyens. 

 

De trés nombreuses personnes, y compris les salariés de l'AP-HM, par leurs activités bénévoles/volontaires ont permis à ce mouvement de naître à Marseille. 

 

Au sein de l’assistance publique, les salariés de l'équipe MARSS sont constitués en une équipe pluridisciplinaire menant un travail expérimental et rattaché à un service universitaire de psychiatrie, le service du Professeur Naudin.

 

Les différents collectifs ont tous pour objectif de défendre les droits des personnes directement concernées par l’expérience de la psychiatrie et de ses effets.

 

 

 

L'équipe MARSS travail depuis sa création avec des personnes en situation de grande exclusion.

 

MARSS essaye de répondre ici et maintenant aux besoins de ces personnes, sans jugement et en respectant leur agendas et leurs priorités (approche de la réduction des risques).

 

MARSS est donc amené, pour répondre de façon spécifique aux besoins de ces personnes, d'experimenter des nouvelles solutions.

 

L’équipe MARSS se veut avoir une approche pragmatique.

 

Nous parlons ici du sens philosophique du pragmatisme, qui avance que la réalité ne peut se comprendre qu'a travers l’expérimentation.

 

Nous partons donc du principe que toute action n'est pas bonne ou mauvaise a priori mais doit être évaluée de façon rigoureuse.

 

MARSS a une approche communautaire au sens où nous travaillons dans la communauté, là ou les gens vivent (rue, squat, logement) et notre équipe fait partie de cette communauté.

 

Nous avons besoin, pour être efficace que des professionnels de l'équipe possèdent un savoir expérientiel. Nous recrutons donc des personnes dites « travailleurs pairs » qui sont « passées par là ».

 

C'est-à-dire qui ont fait l'experience de la folie, de la dépression et du système psychiatrique, mais aussi de la rue, de la prison et des addictions. 

 

Nous recrutons également des professionnels "classiques" qui sont directement (eux-même) ou indirectement (leurs proches) concernées par ces différentes expériences.

 

 

Les valeurs

 

L’équipe essaye de ne pas dissocier, dans ses réalisations concrètes, les faits (actions) et les valeurs (au sens de valeur fondamentale, morale et éthique) (Putnam, 2004)

 

Ce souci de ne pas dissocier fait et valeurs peut d’autant mieux se comprendre quand on sait que Putnam comme Sen (Sen, 2004) expliquent le maintien et l’aggravation des inégalités par une dissociation que font les économistes et les chefs d’Etat, des faits et des valeurs.

 

Si MARSS essaie dans la définition de sa pratique même (les faits) d’être en accord avec ses objectifs finaux (les valeurs), elle n’y arrive pas toujours.

 

Les grands principes du travail de rue sont à ce titre exemplaires de la tentative de concilier ce lien étroit entre faits (s’approcher sans s’imposer, faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait, ne pas juger, ne pas être dans une relation de pouvoir/savoir, mais dans de la réciprocité) et valeurs (citoyenneté).

 

Le travail de rue amène parfois à pratiquer une contrainte particulièrement violente (hospitalisation sous contrainte) alors que la valeur fondamentale de l’équipe est celui du rétablissement (donc de redonner aux personnes le pouvoir d’agir sur leur vie).

 

MARSS se bat et se moblise pour plus de justice sociale.

 

Cette justice sociale passe selon nous par une défense des droits élementaires des personnes à pouvoir être informées de façon claire et immédiate concernant le savoir que possède l'équipe sur sa propre situation.

 

L'équipe MARSS essaye de ne pas avoir de rapport de domination dans les relations qu'elle construit avec les personnes avec qui elle travaille.

 

L'équipe MARSS essaye aussi d'être transparente sur son fonctionnement, ses objectifs, ses limites et l'origine de ses financements, tant au sein de différents collectifs où elle est impliquée qu'avec toute personne qui souhaite en savoir plus sur MARSS. 

 

Enfin MARSS considère que la question du transfert de savoir, c'est-à-dire de rendre possible l'accessibilité au savoir pour les personnes qui en sont privées, est un élément essentiel de MARSS.

 


Sen et Putmann expliquent le maintien et dans certains cas l’aggravation des inégalités par une dissociation que font les économistes et les chefs d’Etat, des faits et des valeurs, au nom de l’idée que  les valeurs seraient des suppositions métaphysiques. Ces mêmes économistes, qui se sont opposés ouvertement à tout discours sur l’épanouissement, car faisant partie, au même titre que l’éthique, de suppositions métaphysiques, ont avalé sans réserve la métaphysique du positivisme logique, creusant ainsi les inégalités au nom d’autres valeurs (Walsh 1996) .